Créer un engouement à Paris autour du basketball : c’est le pari réussi par le Paris Basketball. Depuis sa création en 2018, le club a franchi les étapes à vitesse grand V, passant de la deuxième division française (Pro B) au gratin européen avec l’Euroligue. À tel point qu’il est impossible de fixer des limites à cette formation ambitieuse. Entre une insolante réussite sportive, une communication calquée intelligemment sur la NBA et un style de jeu attrayant, analyse du phénomène qu’est le Paris Basketball.
Opportunités et ambitions : la genèse du projet
Connue pour être l’épicentre de la mode et du tourisme, Paris attire également grâce aux succès de ses équipes sportives. Forcément, il y a le football avec le Paris Saint-Germain, le rugby avec le Stade Français ou encore le handball avec la section du PSG. Le basketball, quatrième sport le plus pratiqué en France avec 500 000 licenciés, était orphelin d’un club portant le nom de la capitale depuis 2007. À cette époque, l’historique PSG Racing Basket, fondé en 1922, fusionne avec le Levallois Sporting Club pour former les Métropolitains 92. « À Paris, il n’existe pas une tradition basket très forte. Amener du public dans une salle de basket, c’est une mission compliquée parce que l’offre de divertissement est monstrueuse sur Paris. Il y a une certaine concurrence avec le football, le handball ou encore le rugby », explique Rémi Reverchon, présentateur-commentateur de NBA Extra sur BeIN Sports.
Sans véritable représentant, Paris était contraint de vivre dans l’ombre de ses voisins régionaux (Nanterre 92 et les Métropolitains de Boulogne-Levallois) et des cadors nationaux (Lyon-Villeurbanne, Monaco etc.). Une véritable anomalie. « Pendant très longtemps, c’était anormal de ne pas avoir de club de basket dominant à Paris. Aujourd’hui, on trouve ça logique, mais ce n’était pas le cas auparavant. Par le passé, il y avait déjà eu des investisseurs américains, qui voulaient investir dans un club de basket à Paris. Quand j’ai entedu parler de ce projet ambitieux, je me suis dit qu’il allait flopper. Quand on me l’a présenté, j’ai compris de suite la vision », raconte Amara Sy, actuel directeur sportif du Paris Basketball.
En 2018, David Kahn (ancien dirigeant des Timberwolves du Minnesota) et Eric Schwartz (ex-actionnaire des Hawks d’Atlanta), débarquent dans l’Hexagone avec la ferme volonté d’implanter un nouveau club professionnel à Paris. Un intérêt partagé par la Ligue nationale de basket (LNB), qui souhaite avoir un grand club de basket dans la capitale.

Ainsi, ils profitent de la relégation du Hyères Toulon Var Basket en Pro B pour acquérir les droits sportifs du club au nom de l’Association pour la Promotion du Basketball à Paris (APB Paris). Les deux hommes d’affaires américains s’associent alors pour donner naissance au Paris Basketball le 12 juillet 2018. Le projet est officiellement lancé.
À Paris, il n’existe pas une tradition basket très forte

Retour au centre du jeu
Le Paris Basketball est fondé sur deux objectifs précis : faire de Paris une place de choix dans le basket national et international et créer un engouement sans précédent dans la capitale autour du ballon orange.
Les débuts en seconde division sont prometteurs, mais complexes. Malgré l’argument clé d’évoluer sur Paris, le club se prend de pleine face la réalité et son manque de fiabilité lié à son jeune âge. « Les débuts n’ont pas été évidents. Les dirigeants ont bricolé. Les joueurs ne se battaient pas pour venir. C’était même compliqué d’attirer un staff », glisse Amara Sy. Ainsi, le Paris Basketball joue ses premiers matchs en banlieue à Rueil-Malmaison (92) et à Pontoise (95) devant peu de monde, avant de prendre ses quartiers à la Halle Carpentier dans le 13e arrondissement.

Le Paris Basketball tente de se faire remarquer en apportant de la fraîcheur dans le paysage du basket tricolore. Par exemple, le rappeur américain Sheck Wes (connu pour le hit « Mo Bamba ») rejoint les rangs parisiens et de nombreux matchs à thèmes sont organisés (Octobre Rose, Green Game, Africa Game, Nouvel An chinois etc.). Le média Yard est également contacté pour amener un coup de pouce sur la communication. Des risques sont pris sur et en dehors des terrains et cela paie progressivement.

Le club accède à l’Élite trois ans après sa création en 2021. Une première année d’apprentissage riche en émotions puisqu’ils se maintiennent durant la dernière journée, en s’imposant face à Boulogne-Levallois. Un groupe de supporters est même créé à cette période autour du Paris Basketball : le Kop Parisii. Ils sont plus d’une centaine à mettre l’ambiance durant les rencontres. « L’arrivée du kop a été un gros boost pour nous. Ils apportent une énergie fondamentale et décoincent le reste du public. À Paris, on aime trop être exigeant et spectateur », constate Amara Sy.

Un engouement sans précédent
La saison 2023/2024 est la pierre angulaire du succès parisien. Durant le mercato estival, le Paris Basketball réalise de jolis coups avec les signatures du meneur de poche américain T. J. Shorts II (meilleur marqueur de l’histoire du club), de l’espoir franco-algérien, Nadir Hifi et du coach finlandais, Tuomas Iisalo. Le club mise sur des joueurs talentueux, avec du caractère, qui collent à l’image qu’il veut diffuser : à savoir jeunes, dynamiques et attractifs. « T.J. Shorts est un mec dont personne ne voulait et maintenant, il explose. Ils ont construit une équipe sans stars. Les dirigeants ont réussi leur pari », confie Rémi Reverchon.

Le Paris Basketball a su rapidement créer une identité de jeu flamboyante et atypique, caractérisée par une énorme débauche d’énergie sur le parquet. « La façon dont l’on joue est un facteur clé. Ça facilite le spectacle à Paris », avoue Nadir Hifi, arrière du Paris Basketball. C’est le résultat d’un investissement quotidien à l’entraînement et d’une exigence du haut-niveau exacerbée. « La seule pression que l’on se met, c’est d’être bon au prochain entraînement. On donne la meilleure version de nous-mêmes chaque jour. Quand tu arrives en match, tu es déjà prêt », rapporte Amara Sy.
Les résultats sportifs mettent en lumière le travail de fond des dirigeants. En effet, le Paris Basketball remporte les deux premiers trophées de son histoire avec la Leaders Cup et l’EuroCoupe (équivalent de l’Europa League au football). En Betclic Elite, le club établit la plus longue série d’invincibilité (25 victoires consécutives) de l’histoire du championnat et se hisse jusqu’en finale contre Monaco (défaite 3 à 1).

Outre ces réussites, le Paris Basketball fait ses premiers pas à l’Adidas Arena, sa nouvel antre conçue pour les JO 2024. Avec une capacité de 8 000 personnes, la salle située à Porte de la Chapelle illustre les ambitions grandissantes du club et caractérise la street culture du peuple parisien. Un public cosmopolite, allant de 7 à 80 ans, se déplace massivement à l’Adidas Arena. Il n’est plus rare d’évoluer à guichets fermés. Les stars se font nombreuses en courtside (Omar Sy, Lilian Thuram, Mister V, Gazo, Jok’Air, Thomas Pesquet etc.).

Assister à un match du Paris Basketball, c’est la certitude de vivre une expérience unique. « Un match à l’Adidas Arena, c’est plus qu’une simple rencontre de basket. C’est un vrai show comme en NBA, sans en être une pâle copie parce que le public français n’est pas le même qu’Outre Atlantique », reprend Rémi Reverchon.

Le club est dans l’ère du temps, parle à la jeunesse et se vend comme populaire avec une billetterie accessible. Le prix moyen d’une place est de 30 euros. « Ils ont décidé d’encrer leur ADN dans l’identité parisienne urbaine avec son kop de fans qui vient de partout en Île-de-France, mais aussi un marketing influencé des États-Unis et de la NBA. Surtout, le succès sportif est une pierre angulaire. Tu peux avoir toute la créativité marketing que tu veux, si tu n’as pas les résultats qui vont avec, ça ne fonctionnera pas », poursuit-il.

Ils ont décidé d’encrer leur ADN dans l’identité parisienne urbaine avec son kop de fans qui vient de partout en Île-de-France, mais aussi un marketing influencé des États-Unis et de la NBA.
Rémi Reverchon
Une dynamique à conserver face aux vents contraires
Cette saison, le Paris Basketball continue d’avoir le vent en poupe sous les ordres de Tiago Splitter, ancien champion NBA avec les Spurs de San Antonio. Le club confirme et acquiert un nouveau statut : celui de poids lourds de Betclic Elite. « Le Paris Basketball n’a aucune limite. Sur les cinq dernières années, la progression est folle. Je suis content de vivre cette aventure de l’intérieur. J’espère que l’on va devenir l’un des plus gros clubs européens », clame Nadir Hifi.
En Euroligue (équivalent de la Ligue des Champions au football), pour leur première participation, le Paris Basketball rayonne et détonne. Ils ont pu enchaîner les victoires (9 consécutives et 13 au total) contre des cadors (Olympiakos, Barcelone, Panathinaïkos), avant de connaître un léger creux. Actuellement, les parisiens sont bien positionnés pour décrocher un billet pour les play-offs de la compétition et sont co-leaders de la Betlic Elite avec Cholet. Sur le plan marketing, le club a profité de l’intersaison pour changer son logo et faire apparaître la tour Eiffel.

Le Paris Basketball continue de surfer sur l’intérêt grandissant des Français envers le basket. Le phénomène Victor Wembanyama, les arrivées de nombreux joueurs tricolores en NBA et la médaille d’argent des Bleus aux Jeux olympiques n’y sont pas pour rien. En Betclic Elite, l’affluence est à la hausse avec un taux de remplissage de 92%, soit quatre points de plus qu’en 2023. Le début d’un âge d’or en France ? C’est une certitude pour Rémi Reverchon. « On est en train de vivre un âge d’or du basket en France. C’est un bonheur et une bénédiction en tant qu’amoureux de basketball. Pour que le sport continue de grandir, il faut que le championnat ait des locomotives comme le Paris Basketball. »

Pourtant, plusieurs problématiques pourraient freiner la folle ascension du Paris Basketball. Premièrement, l’accessibilité de la Betclic Elite. Après la rupture du contrat avec la Chaîne L’Équipe, qui sous-licenciait les droits à SKWEEK, DAZN a récupéré les droits de diffusion du championnat français jusqu’en 2029. Le produit n’est toujours pas assez visible pour le grand public, à l’instar de la Ligue 1 au football. Cela pose un problème sur le long-terme. Pour faire face à ce manque d’exposition, le Paris Basketball mise sur une diffusion massive des meilleures actions des matchs sur ses réseaux sociaux.
Il sera aussi intéressant de voir si le Paris Basketball parviendra à conserver ses meilleurs joueurs à l’issue de la saison. Les grosses performances de ses figures emblématiques comme Nadir Hifi et T.J. Shorts risquent d’attirer les convoitises. « Jusqu’à présent, tous les paris du club ont fonctionné. Il faut que ça continue de bien travailler dans les bureaux. S’ils parviennent à augmenter leur budget et conserver des joueurs, ce serait top. La pérennité du projet se joue là-dessus », conclut Rémi Reverchon. Affaire à suivre donc.