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Que retenir du combat Mayweather Pacquiao ? [Analyse]

Que retenir du combat Mayweather Pacquiao ? [Analyse]

Pour certains ce combat du siècle a été décevant, pour d’autres il a été très décevant. Dès lors quel crédit peut-on donner à cette nouvelle victoire de Mayweather ?

Dans la nuit de samedi à dimanche, les San Antonio Spurs, champions en titre NBA, s’inclinaient avec les honneurs face aux Los Angeles Clippers au terme septième match épique tant par son intensité que par la qualité du jeu proposé.

À l’opposé, plus tard dans la soirée, Floyd Mayweather Jr. conservait son invincibilité en battant aux points Manny Pacquiao dans une rencontre complètement dénuée de souffle.

Exceptés Birdman et 50 Cent qui avaient chacun parié un bon million de dollars sur l’américain, rare sont ceux qui ont été enthousiasmés par le spectacle proposé, patientant 12 rounds que le combat démarre enfin.

MAYWEATHER A-T-IL VRAIMENT GAGNÉ ?

Malgré le verdict sans appel des juges (118-110, 116-112, 116-112), beaucoup ont trouvé cette décision sévère, voir inique. À commencer par Pacquiao persuadé à chaud d’avoir pris le meilleur sur son adversaire. Un sentiment alors grandement partagé sur les réseaux sociaux.

C’est à se demander à quel combat ces gens ont assisté… S’il est une qualité que l’on doit reconnaitre à Money, à défaut de savoir lire, c’est de savoir compter. N’en déplaise à une foule particulièrement hostile, les hommes mentent mais pas les chiffres. Et ces derniers sont cruels.

UN MANNY PACQUIAO MÉCONNAISSABLE

Excepté un crochet gauche qui envoyait son rival dans les cordes à la quatrième reprise et un neuvième round un peu agité, Pacman n’a jamais été en mesure d’inquiéter Mayweather de près ou de loin.

Pire il s’est fait dicter le rythme de la rencontre alors que sa boxe repose essentiellement sur ses capacités athlétiques et son explosivité.

Au final non seulement Pacquiao a donné moins de coups que son adversaire (429 contre 435) mais il a été de surcroit beaucoup moins précis (19% de réussite contre 34%). La faute à un jeu de jambes à la rue et des estocades mal maitrisées.

« LA BOXE C’EST COMME LE JAZZ. MIEUX C’EST, MOINS LES GENS L’APPRÉCIENT »

Il se pourrait bien que personne d’autres que Money n’illustre mieux cette citation de George Foreman. À ce titre ce 2 mai demeure un sommet de froideur et de méticulosité.

Au cours de sa longue carrière personne n’a jamais réussi à entraîner Mayweather dans un simili de combat de rue. Trop rusé, trop rapide, trop technique, il a déjoué une fois de plus les plans adverses avec une facilité déconcertante.

Il faut dire que l’homme possède un don sans pareil pour phagocyter la boxe de ses opposants. Frustrés, leurs avalanches brouillonnes de coups peuvent parfois donner l’illusion de la victoire.

Fait intéressant, samedi dernier même Floyd Senior (son entraîneur et ancien professionnel) pensait que son fils n’en faisait pas assez, insistant pour qu’il enchaîne avec plus de vigueur les combinaisons.

La virtuosité de Mayweather ne se soucie guère la manière. Seule la victoire (et les millions en bout de course) compte. Et c’est bien tout là le problème.

Cette 48ème victoire ressemblait à celle d’une équipe de basket qui se serait imposée au score en shootant uniquement des lancers-francs obtenus sur fautes techniques. Un résultat certes efficace mais pénible en diable à regarder.

« DU PANACHE, ENCORE DU PANACHE, TOUJOURS DU PANACHE ! »

Alors que le pay per view a établi un nouveau record, il est fort à parier que plus personne ne déboursera à nouveau une somme avoisinant les 100$ pour regarder 36 minutes de boxe. Le public vient voir le sang couler, pas apprécier des considérations tactiques.

En ce sens ce « combat du siècle » risque bien d’avoir porté un coup fatal à une discipline déjà mal en point depuis de longues années…

S’il est un sport qui porte le panache en étendard c’est bien le noble art. Pour prétendre accéder à son panthéon, la forme compte autant que le palmarès. Les carrières se jaugent essentiellement à l’aune de ces combats qui ont su révéler la vraie nature des combattants.

Quand on demandait à Sugar Ray Leonard comment il souhaitait que l’on se souvienne de lui, il répondait « comme quelqu’un qui à chaque fois qu’il est monté sur le ring a donné son cœur, son sang, sa sueur et ses larmes ». La boxe c’est ça, pas uniquement des chiffres.

Lorsque pour s’assurer un peu plus la victoire Floyd se contente de pousser la gomme dans le 11ème round avant d’immédiatement lever la pédale au 12ème, c’est certes brillant tactiquement, mais c’est aussi et surtout désespérant de réalisme cynisme.

[Petit aparté, le style de Mayweather étant le même depuis 20 ans, on ne peut être qu’admiratif devant son génie pour refourguer encore et toujours au prix fort la même prestation]

THE BEST EVER ? MEILLEUR QUE MUHAMMAD ALI ?

En levant l’hypothèque Pacquiao, Floyd Mayweather clôt ainsi un cycle entamé 18 ans plus tôt, lorsqu’en 1998 il s’adjugeait sa première ceinture de champion du monde. Depuis il a défié et vaincu absolument toutes les têtes d’affiche et prétendants au titre suprême.

Dès lors pourquoi ne pas le considérer comme le plus grand boxeur de tous les temps ? D’autant que oui, chaque génération est plus performante que la précédente (grâce aux progrès en matière d’hygiène de vie, de méthodes d’entrainement, de médecine, etc.).

Paradoxalement ce qui pénalise Mayweather c’est d’avoir dominé avec trop d’aisance son époque. Sa perfection est synonyme d’ennui. Jamais il n’a eu à aller au bout de lui-même, jamais il n’a été forcé à rebondir alors qu’il était au plus bas, jamais personne ne l’a vu réagir face à la peur ou la panique.

Déjà en 2007 lors du précédent « combat du siècle » face au grand Oscar De La Hoya, alors que pour la dernière fois de sa carrière il était challenger, Mayweather avait manqué son grand combat, celui qui aurait dû marquer l’histoire de la boxe de son empreinte – à l’instar des Carpentier-Dempsey, La Motta-Cerdan, Louis-Schmeling…

Même lorsqu’il a dû mettre les gants pour un match retour (Castillo et Maidana), le résultat se situait à des années lumières des rivalités de légende entre Ali/ Frazier/Foreman/Liston et autres Leonard/Hagler/Hearns/Duran.

Tout cela sans oublier que Money est toujours resté cantonné strictement à son sport, quand Ali ou Joe Louis de par leurs engagements devenaient des icônes.

Alors que depuis quelques mois l’Amérique est secouée par toute une série de drames touchant sa communauté (les émeutes de Ferguson, de Baltimore…), Money préfère compter ses billets sur Instagram plutôt que d’afficher son soutien au mouvement #BlackLivesMatter.

QUELLE SUITE POUR LES DEUX HOMMES ?

La défaite de Manny entérine bel et bien son déclin (snif). Il est peu probable qu’une revanche lui soit accordée en septembre, date du prochain combat annoncé de Floyd. Dommage cela aurait pu constituer une sortie honorable pour ces deux guerriers d’exception.

À commencer par le philippin qui à 36 ans et après plus de 60 combats menés tambours battants devrait vraiment éviter de faire le combat de trop.

Chose qu’à déjà en en tête Money, puisqu’il vient de rendre ses ceintures et jure à qui veut l’entendre qu’il ne cherchera pas à battre le record d’invincibilité de Rocky Marciano (49 victoires, 0 défaite). On peut en douter, car là encore les sommes en jeu seraient colossales.

Ce qui paraît acquis en revanche c’est qu’après ce point d’orgue, le monde de la boxe risque désormais de patienter longtemps (très longtemps) avant de connaitre à nouveau tel degré de magnitude.

PS : Une mention spéciale aux commentateurs de Ma Chaîne Sport habillés comme des vendeurs de téléphonie mobiles qui, très certainement déroutés par l’horaire tardif du combat, ont entre deux approximations (non Pacquiao ne se prononce pas « pakaillo ») enchaîné quelques punchlines du plus bel effet dont la wtfuckesque « c’est quand qu’ils vont craquer leurs slips les deux ? »

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