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Rick Ross et Eminem : le Yin et le Yang du Rap U.S [CHRONIQUE]

Rick Ross et Eminem : le Yin et le Yang du Rap U.S [CHRONIQUE]

Rick Ross et Eminem ont sorti leurs projets respectifs récemment…

Y’a t-il des artistes plus différents que Rick Ross et Eminem ? Passons directement l’étape inutile de l’aspect physique. L’un vient de Détroit, une ville au nord du pays, grise, sinistrée par la crise économique : en juin dernier Detroit s’est déclarée en juin dernier en état de faillite. L’autre vient de Miami une mégalopole en pleine expansion avec une économie qui explose et un « lifestyle » qui fait rêver et attire de plus en plus de gens. Enfin, Em’ est un produit des années 90. Il issu de la scène des battles Rap acharnés et de la perfomance. La musique de Rozay, pas beaucoup plus jeune qu’Eminem, s’est nourrie des 808 du South, de l’attitude de ses ainés comme 8Ball MJG, Three Six Mafia ou UGK, du brin de folie de 2 Live Crew et du « floss Rap » de rappeurs new-yorkais comme Kool G Rap. Hasard du calendrier les deux rappeurs ont présenté le même jour, le 24 novembre dernier un nouveau projet. Eminem a sorti Shady XV un gros best of gonflé avec des inédits et Rozay offrait Hood Billionnaire son deuxième album cette année. Les chiffres sont tombés : 70 012 albums vendus pour Hood Billionnaire de Rozay et 136 859 copies pour Shady XV le dernier projet d’Eminem. Pratiquement le double. Il serait facile de résumer les deux protagonistes à cette simple statistique. Nous en avons profité pour tenter une comparaison entre les deux poids lourds du Rap américain actuel.

VENTES

Eminem explose toutes les statistiques. Il sort d’une époque où le public achetait encore les disques et les plateformes de téléchargement étaient à leurs balbutiements. Les chiffres sont sans appels : Eminem a vendu plus de 45 millions d’albums durant sa carrière. Rick Ross est arrivé au milleu des années 2000, lorsque le marché du disque commençait à s’effondrer. C’est simple, il n’a jamas atteint la barre du million. Dossier classé.

LABEL

Si on prend en compte 50 Cent en tant qu’artiste Shady Records, le Maybach Music Group de Rick Ross ne fait pas le poids. Sans Curtis Jackson, cette « battle » de labels est un peu plus équilibrée et tourne presque à l’avantage de Ricky Rozay. Les premières signatures de Shady (D12 et Obie Trice) n’ont jamais eu un impact sur le game. Certes le groupe D12, porté par la présence d’Eminem a fait des ventes incroyables mais qui pourrait aujourd’hui nommer les membres de ce groupe ? Qui se souvient de Bobby Creekwater ? Cashis ? Ou de Stat Quo ? Avec les récentes signatures de Slaughterhouse et Yelawolf, Em’ a clairement choisi la qualité à la quantité. Rozay après le départ raté de Triple C’s (Custom Cars & Cycles le premier album ne vendra que 12 000 albums la première semaine !) peut aujourd’hui compter sur des valeurs sûres. Meek Mill, Wale, Stalley (qui peine à trouver son public), French Montana et Gunplay sont bien installés dans l’échiquier du rap américain.

PERSONNAGE / AUTHENTICITE

Autant Eminem, balance depuis ses débuts, ses tripes dans sa musique, autant Rick Ross s’est construit un véritable personnage. Dans les deux cas, la démarche est fascinante. Marshall Mathers est un livre ouvert : il parle de tout dans sa musique. Sa jeunesse malheureuse, son addiction aux drogues, ses rapports « difficiles » avec son ex Kim, sa haine viscérale pour sa mère, son amour pour sa fille… Rien n’est tabou. Le tour de force d’Eminem parfois par l’intermédiaire de son alias Slim Shady est qu’il aborde tout ces sujets dans ses sept albums, chaque fois de manière différente avec le même talent.

A contrario il n’y a aucune trace de William Roberts dans les textes de Rick Ross. Ou très peu. Caché derrière sa barbe et ses lunettes de soleil, le rappeur de Miami depuis huit ans (Port Of Miami est sorti en 2006) nous raconte des histoires de son personnage. Kilos de coke, des femmes, des armes, les voitures, les bijoux, les réglements de compte… « Il est si rempli de ce qu’il interprête que lui-même on ne le voit plus » disait Proust en parlant de son personnage La Berma. On peut dire la même chose sur la relation entre Rick Ross et William Roberts. Lorsqu’en 2008, le vrai Freeway Rick Ross – un grand dealer de Los Angeles- a déclaré que le rappeur avait usurpé son identité et surout que le public a appris qu’il avait été gardien de prison durant 18 mois rien n’a changé. Rozay a continué son parcours. Personne d’autre n’aurait survécu à de tels scandales.

MUSIQUE

En terme d’écriture pure, de rimes, de punchlines, de métaphores, Eminem est intouchable. Le MC de Détroit est dans la classe des Biggie, Jay-Z, Nas ou Tupac. Seul petit talon d’Achille, la musique d’Eminem ne se joue pas dans les clubs. Aux Etats-Unis et particulièrement dans le South, où il y a une vraie culture de clubs, Slim Shady est complètement absent. Pire, on se souvient que dans son dernier album The Marshall mathers LP 2 il est parfois difficile de hocher la tête. Rozay au contraire lui a une musique taillée pour les basses ronflantes des voitures et les strips clubs. Et puis qui d’autre que lui utilise aussi bien les fameux sounds tags « Maybach music » ? Si sa plume n’est pas comparable à celle d’Em’ le biggest boss amène des petites choses au Rap Game. Sa cadence, la parfaite utilisation de sa voix voilée, sa prononciation particulière, ses adlibs efficaces sont de vrais atouts. Et qu’on se le dise, ce ne sont pas que des gimmicks : par exemple 2 Chainz qui a le même genre d’écriture n’a pas tenu plus de deux ans.

Avez-vous écouté Hood Billionnaire et Shady XV ? Qu’en avez-vous pensé ?

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