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LuXe : « J’ai de grosses ambitions » [INTERVIEW]

LuXe : « J’ai de grosses ambitions » [INTERVIEW]

Rencontre avec un rappeur certifié Seine Zoo, à l’occasion de la sortie de son projet « LeXington ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Des quartiers de Paris et sa banlieue jusqu’à ceux de New-York, il n’y a qu’un pas que LuXe a franchi allègrement. Naviguant entre le Bronx, Brooklyn et Harlem, l’artiste s’est d’abord affirmé dans le break avant de squatter le micro. Le tout grâce à un élément de taille ayant débarqué sur son parcours, un facteur X nommé L’entourage. Un collectif qui l’a poussé à prendre la plume, lui, le gars garant d’un vécu comme aucun autre.

Aujourd’hui, il poursuit son chemin avec un deuxième projet à son actif, LeXington. Un passage de témoin signé d’un véritable passionné qui n’a pas rejoint l’hexagone pour rien… Rencontre.

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Qu’est-ce qui a vraiment changé pour toi depuis la LuXe mixtape en 2016 ?

Aujourd’hui, je suis là pour dire « voilà, je suis dans la conversation, j’ai ma place à la table ». La LuXe Mixtape a aidé à rentrer peu à peu dans cette conversation-là. Ce qui a changé, c’est vraiment moi en fait. C’est-à-dire que j’ai eu la chance d’avoir une vie qui est un feu d’artifice complet. Depuis deux ans, j’ai même l’impression que c’est encore plus fou, avec plus de couleurs, dans le haut comme dans le bas. J’ai eu des questionnements que je ne pensais même pas avoir à un moment dans ma vie et des challenges qui ont du être relevés. J’ai grandi, tout simplement. Mais je ne vais pas tout raconter, car ça prendrait des heures.

Justement, au milieu de tout ça, comment t’as construit ton dernier projet ?

Ce projet, je l’ai travaillé avec mes amis de Seine Zoo. Beaucoup de textes ont été écrits avant même que je rentre en France, en 2012 ! La question qui se posait, c’était de savoir si je voulais encore dire ces choses-là, si ça me correspondait toujours. Au final, ça valait le coup de les mettre.

Cela colle, car il y a un truc atemporel dans Lexington…

(Il coupe) C’est exactement ce qu’on a voulu faire, c’était le but recherché. Certains, sur le ton du compliment, disent que c’est du rap « à l’ancienne », même si je trouve ça tellement fou d’utiliser cette expression. J’ai envie de dire, trouve moi un rappeur à l’ancienne qui rappait comme ça. Ou alors, si tu crois que c’est du rap à l’ancienne, c’est que t’as pas les bonnes bases (rires). La musique, c’est de toute façon quelque chose d’atemporel. Nekfeu m’a beaucoup influencé là-dessus. On a des parcours très différents, même si on partage des expériences similaires, ce n’est pas pour rien qu’il est devenu une sorte de mentor. Il a par exemple la même passion pour la lecture. On a commencé à lire plein de trucs car on kiffait ça, pas parce que c’était imposé par l’école ou les parents…

Nekfeu et toi, vous avez suivi des routes parallèles.

Oui, c’est quelqu’un qui est adepte de la remise en question, comme moi. A chaque fois, je me demande comment sa musique me touche autant. Si on regarde en surface, le coeur de son public n’est pas forcément le mien, pourtant, il déborde d’esprit hip-hop. Il arrive à toucher toute la France alors que certaines phrases sont peut-être écrites pour quatre personnes à la base, c’est là que tu vois à quel point il est fort. C’est comme Booba, dans Turfu quand il sort « Négros ne breakent plus au Trocadéro : négros sont kalashés », ça me touchait directement (rires) !

Les gars de L’entourage m’ont vraiment appris à rapper. Je crois que personne n’arrive à dire ça aujourd’hui, il y a comme un problème d’égo

Tu parles d’esprit hip-hop, toi tu perpétues ça avec les samples. C’est un vrai kiff ?

Je suis quelqu’un qui a de grosses ambitions. Si je n’en avais pas, je ne ferais pas de son publiquement. C’est comme ça que je fonctionne, peu importe le nombre de disques vendus… Et je me dis qu’un jour, les samples, je ne pourrai plus les utiliser comme aujourd’hui. Dans l’industrie de la musique, tout est fait pour ne plus qu’on puisse sampler. Donc tant qu’on peut, j’en profite. Après, en tant que B-Boy, je suis un juke-box ambulant. Les B-Boys sont de véritables bibliothèques, on danse sur des trucs qu’on peut trouver grillés entre nous, mais que les plus gros beatmakers ne connaissent même pas.

Tu as commencé avec le break et tu finiras là-dedans ?

C’est sûr ! J’ai eu la chance de chorégraphier la tournée de Nekfeu jusqu’au Bercy et ça a fini par être nominé parmi les meilleurs spectacles live aux Victoires de la Musique. Pour un breaker, c’est un truc de ouf. Je crois que c’est du jamais-vu, encore plus moi pour un gars de mon profil, je suis un breaker ghetto (rires). Je ne suis pas le breaker que tu prends pour faire des pubs pour L’Oréal (rires) !

Elle se fait comment la rencontre avec Nekfeu ?

C’est simple, à l’époque, j’habitais à New-York et je ne suivais rien de ce qui se faisait en France, que ce soit musical, politique, etc. Les paroles de Booba me parlaient, je n’écoutais rien à part ça. « J’encule le système français, oui je suis expatrié / Seul un peu d’oseille pourrait me rapatrier » c’était totalement mon truc (rires) ! Je suis tombé sur 1995 par le plus grand hasard et je me suis dit : « mais c’est quoi ce truc ? D’où les Français rappent comme ça ? Putain ils sont forts ! » Après coup, j’ai contacté Alpha Wann et lorsqu’ils sont passés aux States, ils sont venus me voir, comme des potos. Une majeure partie de l’Entourage s’est ramenée une fois, c’était le jour de mon anniveraire. Un truc fou, juste après un battle… Et là, ils m’ont demandé pourquoi je ne rappais pas.

Tout part de là ?

Ils m’ont vraiment appris à rapper. Je crois que personne n’arrive à dire ça aujourd’hui, il y a comme un problème d’égo. Mais oui, ils m’ont vraiment appris à rapper. Jazzy Bazz m’a montré plein de trucs, m’a conseillé quelques trucs par rapport à l’écriture, au flow, les rimes. Des techniques en fait. Nekfeu, c’est pareil pour la manière dont ça sonne, Deen Burbigo avec la voix, Alpha Wann aussi… Je porte ça avec fierté, ils m’ont appris tout ça alors que je vivais à l’autre bout de la planète et que je n’étais même pas de leur crew. Il y a avait un réel amour de la culture hip-hop qui nous liait.

Je suis dans une remise en question constante, même si je traverse plein de choses positives

Tu rappes toujours en anglais ?

Lorsque je vivais à New-York, je n’avais aucune raison de rapper en français. Car à part quelques potes expatriés, personne ne va te comprendre. Je voulais sortir mon premier projet en anglais, c’est DJ Jazzy Jay qui devait le mixer. Il a notamment fondé Def Jam avec Rick Rubin et Russell Simmons. C’est un truc qui tient toujours, mais là depuis la France, ce n’est pas cohérent. Sortir un truc en anglais, mais en France, ça n’a pas de sens. Cela se fera lors d’un retour là-bas.

T’es imprégné de la culture hip-hop US. Tu t’es notamment ramené sur scène sappé en rose… C’était un clin d’oeil à Cam’Ron ?

Totalement, ça fait partie du truc. Il y en a qui captent le délire et d’autres non. Dans les jeunes qui nous écoutent, tous n’ont pas les codes de notre culture, mais c’est pour ça aussi qu’on le fait. Cela peut aussi les pousser à aller chercher et fouiller.

Tu te places comme un garant de cet esprit ?

Garant, non, mais plus comme un passeur de flambeau. Je n’ai pas forcément de relation directe avec des anciens du rap, mais les anciens du break et de la rue de New-York et de Paris ont été des mentors. Des vrais gars qui ont passé le flambeau. J’ai par exemple fait des scènes avec Afrika Bambaataa. Chaque fois que je vivais des choses comme ça, le temps s’arrêtait. Passeur de flambeau, c’est le bon terme. J’essaye de garder le feu allumé.

« La peur finit par être utile », c’est une des phases marquantes de ton projet. Peut-être celle qui te décrit le mieux. Tu peux nous l’expliquer pour terminer ?

C’est sorti naturellement. Certaines personnes peuvent prendre ça comme une phrase de hustler parmi tant d’autres, mais pour moi, ça veut vraiment dire qu’il faut sortir de sa zone de confort. Le destin te tombe dessus, il faut vraiment savoir faire avec. Je suis dans une remise en question constante, même si je traverse plein de choses positives. La quiétude, tu l’as vraiment quand tu meurs ou quand tu pries. Et même quand tu pries, ce n’est jamais pendant 24 heures.

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