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La petite histoire des dents en or dans le rap et ailleurs [DOSSIER]

La petite histoire des dents en or dans le rap et ailleurs [DOSSIER]

Si les grillz font clairement partie des modes les plus incongrues (et les plus funs) de la culture urbaine, l’origine du phénomène remonte pourtant à plusieurs milliers d’années…

Quelle que soit la période, quelle que soit la partie du globe, l’être humain semble avoir toujours apporté un soin particulier à sa dentition. Des fouilles archéologiques ont en effet révélé que 2 000 ans avant notre ère, dans la vallée de Gizeh, certains Égyptiens reliaient leurs dents entre elles avec des plaques de métal.

Chez les Étrusques (le peuple ancêtre des Romains qui a vécu centre de la péninsule italienne entre 800 et 200 avant Jésus Christ), les femmes parmi les plus fortunées n’hésitaient pas à se faire enlever les dents de devant pour les remplacer par des décorations d’or.

À la même époque du côté du continent sud-américain, chez les Mayas, les plus nobles préféraient orner directement leurs dents non pas avec de l’or ou des diamants, mais avec du jade – ils se faisaient alors creuser directement dans la dent un trou profond de trois millimètres (aie) afin d’y insérer un éclat de la pierre. Cette mode durera jusqu’à l’arrivée des colons européens au 16ème siècle.

Ont également été observés aux alentours des années -900 des modifications dentaires chez les Vikings.

Plus proches de nous et dans un style pas si éloigné, les rich & famous s’obsèdent de plus en plus pour le sourire hollywoodien, culte de l’alignement et du blanchiment à l’appui.

Si les significations de ces parures varient d’une population à une autre, l’idée principale reste à chaque fois d’afficher avec ostentation son statut social au sein du groupe.

Le grillz version égyptienne…

… et version maya

Du bling et du bling

Dans les années 80, les rappeurs américains vont remettre au goût du jour ce rite.

Une théorie veut que ces derniers s’inscrivent là dans la continuité d’une tradition née du temps de la traite négrière, lorsque seuls les esclaves considérés comme les plus « méritants » bénéficiaient de soins dentaires (cavité, couronnes, implants…). Ainsi plus leurs bouches brillaient, plus leur valeur était importante aux yeux du maîtres et des autres esclaves.

L’un des premiers emcees à arborer des dents en or fut Slick Rick . Suivront ensuite Afrika Bambaataa, Kurtis Blow ou encore Big Daddy Kane. Le tout premier rappeur à se recouvrir complètement la bouche fut cependant le Public Ennemy Flavor Flav au tout début des années 90.

Tous se fournissent chez un certain Eddie Plein, grand oublié des livres d’histoire. Selon la légende, après s’être cassé une dent, il décida de faire une école de dentistes puis d’ouvrir le premier une boutique dédiée à la confection de dents en or, le salon Eddie’s Gold Teeth à Atlanta.

Très vite, la mode s’étend notamment dans le Mississippi, l’Alabama, la Louisiane, mais aussi le Texas, les dents en or se faisant le pendant des chaînes et montres de luxe.

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L’essor

Au début des années 2000 une petite révolution s’opère quand apparaissent ce qui va être appelé à proprement parler les grillz.

Là où implanter des dents en or nécessitait de se faire remodeler (voir limer) les chicots, les grillz sont fabriqués à partir d’un moule de la bouche en oxyde de chrome, avant d’être fixés avec une cire qui épouse la forme de la dentition.

Détachables à volonté, ils sont non seulement plus pratiques, mais aussi beaucoup moins chers – la fourchette de prix allant d’une petite centaine de dollars à plusieurs dizaines de milliers suivant la customisation (nombre de dents souhaitées, pierres précieuses à sertir, ajout d’or, de platine…).

Étonnamment, la confection ne prend pas plus de trois ou quatre jours.

Dans un autre genre, pour les plus déterminés est toujours proposé l’encastrement à vie, façon Lil Wayne, Birdman (pour l’anecdote anciennement connue sous le nom de B-32, pour Baby with the 32 Golds) ou Kanye West.

Question budget, il s’agit d’un autre game, Weezy ayant révélé en 2011 dans une interview avec Jimmy Kimmel que l’opération lui avait coûté la bagatelle de 150 000$, quand la dentition de Birdman est estimée elle selon ses dires à un bon demi-million de billets verts (assurance comprise).

Un prix qui a de quoi refroidir les plus motivés, d’autant plus qu’il ne garantit pas des effets secondaires particulièrement néfastes sur l’haleine…

« My gran’mama hate it, but my lil mama love it »

Il fut un temps où Nelly pouvait se targuer d’être l’influenceur en chef du hip hop.

Après le carton plein Air force One qui a permis à Nike de refourguer par wagons ses sneakers du même nom (ça et puis la mode des pansements sur la joue et celle des jerseys portés à l’envers…), en 2005 le natif de Saint Louis s’associe notamment à Paul Wall et Brandy (la voix féminine en fond, c’est elle) pour créer le carton Grillz.

Avec pas loin de 70 gros plans sur ses dents et celles de ses comparses, comme promis dans l’intro par Jermaine Dupri la vidéo devient « epidemic », boostant encore un peu plus le phénomène.

Devant cette ampleur nouvelle, en 2006 certains établissements scolaires du sud prennent la décision d’interdire les grillz dans leurs enceintes, arguant de raisons disciplinaires et sanitaires (infections, coupures, mauvaise mastication…).

[Apprentis ballers, veillez à ce titre à ne pas dormir ou manger avec, mais aussi à le brosser régulièrement pour éviter que des tâches n’apparaissent.]

Notez que si la carrière rapologique de l’ami Paul Wall n’a depuis guère décollé, il s’est reconverti en fabricant de grillz. À la tête de sa propre échoppe dans sa ville de Houston. Fort de son carnet d’adresses, il compte comme clients réguliers Lil Jon ou Puff Daddy.

Du hood à Hollywood… en passant par la France

Devenus accessoires de mode à part entière, les grillz finissent logiquement par se faire admirer aux dents des célébrités les plus mainstream.

À la grande stupéfaction de la presse people, sur les tapis rouges Madonna, Katy Perry, Lady Gaga ou encore Cara Delevingne sont aperçues avec une rangée d’or dans la bouche, tout comme le rockeur Anthony Kiedis des Red Hot Chili Peppers ou l’acteur Johnny Depp.

L’un des grillz qui aura le plus buzzé fut celui de Rihanna en forme d’AK-47… qui a été designé par la française Dolly Cohen !

Accroc à ses pièces, la Barbadienne fait régulièrement appel à ses services. N’espérez cependant pas dupliquer son look, le politique de l’exemplaire unique est de mise.

Diplômée en technique dentaire, la Parisienne s’est ainsi forgée une belle réputation auprès des stars fournissant des profils aussi divers que Drake, Booba (qui en déjà acheté une demi-douzaine), Pharrell, A$AP Rocky ou les Kardashian.

Ses créations ont en outre depuis été vues chez Givenchy ou encore photographiées par Jean-Baptiste Mondino.

Pas mal pour celle dont la stratégie se résumait à ses débuts « à prendre son scooter jusqu’à la périphérie de Paris et parler de (ses) bijoux aux cailleras du coin ».

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