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DOSSIER : 30ans de Rap féminin…

DOSSIER : 30ans de Rap féminin…

Retour sur le statut des rappeuses aux Etats-Unis. De 1984 à 2014…

Il y a toujours eu des femmes dans le rap. Dès les débuts, le sexe dit faible est bien représenté derrière le mic. Le groupe Sequence, Sha-Rock (une des membres des Funky Four Plus One) ou encore Sparky D sont des « forces vives » du mouvement. Le premier succès populaire d’une « female MC » comme ils disent là-bas remonte à 1984. Une MC de 14 ans de Queensbridge dans le Queens va mettre le feu aux poudres avec le titre Roxanne Revenge.

Une ado de quatorze ans met le feu en 1984

L’ado épaulée par Marley Marl répond au populaire titre Roxanne, Roxanne du groupe UTFO et provoque une cascade de réponses. Roxanne Shante grâce à ce succès va encourager plusieurs jeunes filles à prendre le micro et surtout montrer aux majors que les femmes peuvent elles aussi vendre du disque.

https://www.youtube.com/watch?v=zVy2LHKFG18

FIN 80 DEBUT 90 : LA DIVERSITE

A la fin des 80 et au début des années 90, les sorties d’albums s’enchaînent ! Le groupe Salt-N-Pepa arrive avec Hot Cool & Vicious en 1986. MC Lyte sort Lyte As A Rock en 1988. Queen Latifah apparaît avec All Hail To The Queen en 1989. Monie Love balance Down To Earth en 1990. Nikki D devient la première femme signée sur Def Jam en 1991. Les pointures de l’époque intègrent des femmes dans leurs crews. Ainsi Yo Yo sur la west coast proche d’Ice Cube sort son premier album, Public Enemy à l’époque est au sommet de sa gloire intègre Sister Souljah, Ms Melodie se fait entendre dans le légendaire Boogie Down Productions et enfin Lady Of Rage proche du Dogg Pound de Snoop Dogg apparaît déjà dans The Chronic en 1992 !

C’est l’âge d’or pour les femmes au micro

C’est l’âge d’or pour les femmes au micro. Toutes les sensibilités sont représentées. Cela part de Salt- N-Pepa et leur sexy et léger Push It au sérieux et engagés titres de Sister Souljah en passsant par l’égotrip de Nikki D ou les textes conscients de Latifah. Selon nous, la première petite transition va arriver avec le projet de la Da Brat. Formée par Jermaine Dupri (il lui écrit tout ses textes et en fait une Snoop Dogg au féminin) elle devient la première artiste féminine solo à atteindre le million de disques vendus. Une fois de plus, les labels vont être attirés.

94-2000 : LA CREATION DE LA « BAD BITCH »

Depuis les débuts, des producteurs ou rappeurs ont écrits ou aidés des artistes féminines (Salt-N-Pepa, Roxanne Shante…) à écrire leurs « seize ». Il n’y a rien de choquant. Au milieu des années 90, la donne va changer. Même si des artistes comme Paula Perry, Bahamadia, Queen Latifah, MC Lyte font encore de la résistance elles ne sont plus dans « l’air du temps ». La mode est au rap east-coast très rue des Mobb Deep, Biggie et Jay-Z. Il faut donc créer le pendant féminin du hustler, dealer ou killer: la « bad bitch ».

Il faut donc créer le pendant féminin du hustler, dealer ou killer

Le Notorious B.I.G en a justement une sous la main : Lil Kim. Kimberly Jones n’ a que 20 ans lorsqu’elle pose ses couplets dans les singles de The Conspiracy l’album de Junior M.A.F.I.A. Elle répète avec maestria les horreurs que Biggie lui écrit et le public en redemande. Ils ont trouvé la formule gagnante. No Time son premier single solo avec Puff Daddy installe le personnage. Lil Kim a l’attitude, du flow et les paroles qui suivent.

Dans No Time elle dit Now watch mama, go up and down dick to jaw crazy. Say my name baby! Before you nut, I’mma dribble down your butt cheeks [Regarde maman monter et descendre sur ta bite, ma mâchoire fait le taf. Dis mon nom bébé, avant que t’éjacules, j’irai te lécher les fesses] Au calme.

Foxy Brown alias Inga Marchand sort du même moule. Elle n’a que 17 ans et ses plumes sont son frère Gavin Marchand, Nas puis un temps Jay-Z. Dans le remix I Shot Ya de LL Cool J en 1995 son couplet et son attitude laissent peu de place à l’imagination. I’m sexing raw dog without protection, diseaese infested. Bitches grab ya ta-ta’s, get them niggas for they cheddar [Je baise sérieusement sans me protéger, je suis plein de maladies, les meufs prenez vous les seins, choper ces mecs pour leur piquer leur oseille]

Dernier détail, Lil Kim, comme Foxy ont les tenues vestimentaires et les poses qui accompagnent leurs poésies. Le résultat ? Hardcore le premier album de Lil Kim sort en 1996 est un immense succès commercial avec plus de deux millions d’albums vendus. Ill Nana de Foxy Brown ? Le million ! L’Amérique valide ces textes qui vendent du sexe et de la violence.

L’Amérique valide ces textes qui vendent du sexe !

Ainsi Foxy Brown en 1999 participera à une campagne de publicité mondiale pour la marque Calvin Klein ! Lil Kim sera l’égérie d’une grande marque de cosmétiques. Devant ces succès et les millions de dollars que cela génère, toutes les structures vont chercher une « petite rappeuse délurée » pour en faire la « First Lady ». Cela donnera les Charli Baltimore en 1999, Da Brat qui rappait en baggy, reviendra en 2000 en décolleté plongeant ! A Miami, le label Slip-N-Slide Records sort Trina et même Roc-A-Fella sortira l’album d’ A.M.I.L en 2000… D’autres vont quand même choisir des rappeuses de talent. Ainsi le Ruff Ryder enrôle Eve et le Flipmode Squad de Busta Rhymes sort le diamant brut Rah Digga.

LES EXCEPTIONS

Ces femmes sont hors-format, hors catégorie et possèdent un talent et un succès indéniable. Lauryn Hill dès ses premiers pas avec The Fugees en 1994 montre qu’elle est une redoutable MC. Si The Score le deuxième album a dépassé les 5 millions d’exemplaires vendus, les gros singles (Ready Or Not, Killing Me Softly, Fu-Gee-La) où elle chante n’ y sont pas pour rien. Enfin son album The Miseducation Of Lauryn Hill en 1998 va définitivement la mettre dans une catégorie à part. Une autre artiste à part est Missy Elliot. De 1997 à 2005 cette artiste originaire de Virginie va sortir six albums qui seront toujours accompagnés de singles et de clips originaux ! En plus d’être une rappeuse talentueuse, Missy écrit et produit (Janet Jackson, Aalyah, Total, Mary J.Blige, Beyoncé, Angie Stone, Keysha Cole, Ciara …) pour les plus grands et rappe aux côté de Jay-Z, Wyclef Jean, Ghostface Busta Rhymes ou Noreaga sans aucun problèmes. Enfin dans une moindre mesure Left Eye du groupe TLC était une des rares à l’aise aussi bien dans le chant que dans le rap.

2004 : L’ARRIVEE DE NICKI MINAJ

Revenons à notre infernal duo. La dynamique de Foxy et Kim au milieu des années 2000 s’essouffle. Elles sont engluées dans des embrouilles (Lil Kim contre Junior Mafia, Foxy contre Kurupt…) des problèmes judiciaires (Kim ira en prison un an) et même des problèmes de santé : Foxy Brown deviendra sourde de 2005 à 2006. Pour autant, leur « format » est encore le standard pour les labels américains. Plusieurs artistes signent (Remy Ma chez Terror Squad de Fat Joe, Shawnna DTP de Ludacris, Jacki-O chez Poe Boy Entertainment, Ms Jade sur le label de Timbo…) sans que cela ne fasse le succès escompté. Nicki Minaj qui a commencé à rapper en 2004 est clairement un produit de Lil Kim-Foxy : textes crus, attitude aguicheuse et images provocantes.

Le tour de force de la rappeuse du Queens est que dès sa signature chez Young Money en 2009 elle a eu le flair d’injecter ses petites touches personnelles dans ce format. Un univers coloré, plus de second degré, moins de côté « street », amener une couleur pop assumée dès le deuxième album et réussir se séparer de l’image envahissante du « patron homme ». Aujourd’hui Nicki Minaj est sa propre entité : elle n’a plus l’image de la « petite » de Lil Wayne ou l’artiste de YMCMB.

2014 ?

Le monde change. On le ressent dans la nouvelle génération (Wiz, J.Cole, Big Sean, Mac Miller, Kendrick Lamar…) le paramètre de la street credibility n’est plus très important. Du coup les jeunes rappeuses elles se sont affranchies du format « Lil Kim-Foxy-Nicki » de la décennie précédente. La nouvelle génération de filles n’a pas encore trente ans, est diverse et parle de ses préoccupations sans tabous. Snow Tha Product d’origine mexicaine favorise la performance. Iggy Azalea vient d’Australie, est « parrainée » par T.I. et son album est produit par un duo d’Anglais ! Syd Tha Kid d’Odd Future est lesbienne, Azealia Banks d’Harlem est dans un créneau « électro-rap-branchouille », Angel Haze a travaillé son premier album avec un producteur du groupe de rock et Rapsody proche de 9th Wonder explore le boom bap vintage…

Cette variété ressemble presque à l’âge d’or du rap féminin de la fin des années 80, début 90… Seule grande diffèrence à part Iggy Azalea (fin mai elle avait placé deux singles au sommet du top single) aucune n’a vraiment percé. A part Nicki Minaj, il n’y a pas encore de grosses vendeuses ou d’artistes qui remplissent des grandes salles. Le format de « Bad Bitch » avec vit-il ces derniers beaux jours ? Qui va reprendre le flambeau pour ces prochaines années ?

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