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Quelles leçons tirer de la trilogie du Parrain ?

Quelles leçons tirer de la trilogie du Parrain ?

A l’occasion de la sortie en salles de la très attendue nouvelle version du « Parrain III », la question mérite d’être posée…

Le Parrain est unanimement considéré comme l’un des plus grands films de l’histoire du septième art. Le Parrain II appartient au club très privé des suites réputées meilleures que l’original. Le Parrain III est l’un film les plus sous-estimés de son temps.

Encensée par le public et la critique depuis bientôt cinquante ans, la trilogie de Francis Ford Coppola (le réalisateur) et Mario Puzzo (l’auteur du livre et scénariste) doit notamment sa prestigieuse renommée au fait qu’elle propose plusieurs niveaux de lecture.

Films de gangsters, allégorie du capitalisme, éloge du patriarcat saga familiale, tragédie grecque, fresque sur l’immigration… les Parrain se regardent à chaque nouvelle vision d’un œil nouveau.

De quoi pas mal cogiter donc et de quoi en retenir quelques leçons valables dans à peu près tous les domaines de la vie.

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Leçons n°1 : toujours garder ses intentions pour soi

Lorsque Don Corleone (Marlon Brando) rencontre pour la première fois Virgil Solozzo, alias ‘le Turc’, pour discuter narcotiques, son fils aîné Sonny (James Caan) évoque ouvertement son intérêt pour ce marché, quand bien même l’instant d’avant son père a fermement écarté l’hypothèse de s’investir dans ce « dirty business ».

Sitôt la réunion terminée, Don Corleone s’en va ainsi sèchement remonter les bretelles de son rejeton en lui rappelant que « jamais il ne doit laisser savoir ce qu’il pense en dehors de la famille ».

Très mal lui en a pris en effet puisque quelques scènes plus tard, Sollozo, sentant qu’il a un coup à jouer si Sonny venait à succéder au patriarche Corleone, tente de faire exécuter ce dernier.

Sur le même schéma dans la troisième partie, Vincent (Andy Garcia), le fils illégitime de Sonny, est rappelé à l’ordre par Michael (Al Pacino) après avoir clamé haut et fort vouloir se débarrasser d’un rival – « Never let anyone know what you’re thinking ».

Leçons n°2 : ne pas se laisser envahir par ses émotions

Plus encore que son père, Michael Corleone impressionne par sa capacité à garder son calme.

Animal à sang-froid, là où son frère Sonny a fini le corps criblé de balles après avoir une énième fois pété les plombs, il reste de marbre en toute circonstance (pas une menace, pas une parole plus haute que l’autre), y compris lorsque le sénateur Pat Geary insulte copieusement sa « fucking family ».

Non seulement cette impassibilité lui évite les décisions trop hâtives (de celles prises sous le coup de la colère et qui neuf fois sur dix sont amèrement regrettées ensuite), mais elle lui permet aussi et surtout de se montrer absolument imprévisible car personne ne peut deviner ce qu’il a en tête.

Leçons n°3 : tisser un réseau de relations solides

Dans la mafia sicilienne comme ailleurs, personne ne réussit jamais seul. Ou pour citer Don Altobello : « L’homme le plus riche est celui qui a les amis les plus puissants ».

À la tête d’un réseau tentaculaire composé aussi bien de membres de sa proche famille que de professionnels du crime ou de haut placés dans les arcanes de la politique, le Don tire en premier lieu son pouvoir de sa capacité à faire avancer tout ce petit monde dans la même direction.

Un peu de relationnel, un peu d’étiquette, un peu d’autorité… l’idée est d’établir un équilibre subtil entre ceux qui peuvent lui être utiles et ceux auprès de qui il peut se rendre utile.

Bon évidemment, chacun est ici jugé à l’aune de ce qu’il peut apporter, « l’amitié » évoquée à tour de bras n’est jamais désintéressée.

Leçons n° 4 : ne pas mépriser ses ennemis

« Garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près »

Dans la droite lignée du point numéro 2, ce conseil donné par Vito à Michael implique de ne pas se laisser déborder par ses sentiments, la haine étant très mauvaise conseillère.

Non pas qu’un ennemi mérite une quelconque forme de respect (un ennemi n’est pas un adversaire), mais aussi détestable soit-il, il est important de le garder à l’œil afin de connaître au mieux ses forces et ses faiblesses.

Cette prise d’information permettra d’anticiper ses plans, puis le moment venu de le frapper au plus juste.

Bill Gates, qui dans son domaine d’activité n’est pas un tendre, estime lui qu’il est « parfois nécessaire pour les agneaux d’aller s’allonger avec les loups ».

Leçons n°5 : le pouvoir corrompt

Si la trilogie devait se résumer à un thème, ce serait celui-là.

Tout comme son père qui pour s’extirper sa condition sociale s’est autorisé tous les écarts (intimidation, racket, meurtre…) jusqu’à devenir l’incarnation du mal absolu, Michael dérive de la même manière à compter du jour où il prend les rênes de la Famille.

Le jeune homme idéaliste qu’il était à ses débuts se mue en effet au fil des événements en être arrogant et calculateur qui sous couvert d’une rationalisation de façade (le crime est une activité comme une autre, les autorités sont tout aussi corrompues…) ne vit que pour assouvir ses ambitions, quitte à sacrifier en chemin celles et ceux qu’il souhaitait initialement protéger (sa femme, ses enfants, son frère…).

Pas de chance pour lui, plus il grimpe les échelons de la société, plus les gens lui ressemblent« The higher I go, the crookeder it becomes ».

Leçons n°6 : tout est toujours personnel

Répété à tour de bras tout au long de la saga, le mantra « Ce n’est pas personnel, c’est uniquement les affaires » sert en réalité de posture pour masquer les intentions des uns et des autres.

De Michael qui exécute ceux qui s’en sont pris à son père à Hyman Roth qui cherche à venger la mort de son ami Moe Greene par ce même Michael, comment pourrait-il en être autrement ?

Les gens sont ce qu’ils font. Quiconque se dédiant corps et âmes à sa tâche corrèle qu’il le veuille ou non tous les aspects de sa vie (son estime de soi, son mode de vie, son énergie…) à cette dernière.

Tout le reste c’est du baratin… ce dont convient largement Michael dans le livre lorsqu’il s’adresse à son frère Tom : « Ne laisse personne t’avoir. Tout est personnel jusqu’au moindre recoin (…) Ils appellent ça un business. Okay, mais c’est avant tout personnel ».

Leçons n°7 : certains choix sont inéluctables

Au départ des plus réticents à rejoindre la petite entreprise familiale, Michael va jusqu’à s’engager chez les Marines en pleine Seconde Guerre mondiale et se fiancer avec une Wasp.

Son destin bascule cependant le jour où il décide d’endosser le costume d’héritier pour protéger les siens. De là le premier domino tombe, entraînant tous les autres dans sa chute.

Très rapidement coupable de pires péchés (adultère, parjure, meurtre…), il passe alors le reste de sa vie à essayer de colmater les brèches, sans succès.

Se sachant « au-delà de toute rédemption », il termine seul et malade, loin de tous ceux qu’il a un jour aimé.

Leçon bonus : comment réussir sa sauce tomate

Passages obligés de tout film de gangsters italiens qui se respecte (voir Les Affranchis, Les Soprano…), les scènes où l’on mange sont légion dans Le Parrain : le mariage de Connie, les repas de famille, les cannellonis laissés sur le siège arrière de la voiture….

Dans l’une d’elle, pas forcément la plus connue, Clemenza explique à Michael comment « cuisiner pour vingt personnes ».

Sa recette que personne ne peut refuser ? Des saucisses et des boulettes de viande à la sauce tomate.

« Tu vois, tu commences avec un peu d’huile, puis tu fais frire de l’ail. Là, tu rajoutes des tomates et du concentré de tomates. Tu continues de faire frire en faisant gaffe que ça ne colle pas. Ensuite tu envoies les saucisses et les boulettes. Un peu de vin, et là mon petit secret, tu ajoutes un peu de sucre. »

48 ans après, un plat qui donne toujours autant faim.

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