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Ces rappeurs que l’on aime détester ! [DOSSIER]

Ces rappeurs que l’on aime détester ! [DOSSIER]

« Si tu kiffes pas renoi, t’écoutes pas et puis c’est tout.. » une phrase censée mais qui ne s’applique pas à l’auditeur de rap français.

Illustration : Maxime Masgrau

Il existe des centaines de rappeurs, quand un artiste ne nous correspond pas il suffirait de le zapper (ce qui, à l’heure de la consommation rapide, ne ferait que précipiter l’échéance). Mais ce serait se priver de ce petit défouloir de haine qui prend souvent pour terrain de jeu les réseaux sociaux ou les plateaux télé. Sur le terrain de la « hate » les rappeurs français ne sont pas tous égaux. Certains ont réussi à s’attirer toutes les foudres des auditeurs pour des raisons variées. Petit tour d’horizon de ces rappeurs que l’on aime détester entre Big Flo & Oli, Maitre Gims, Booba ou encore JUL.

Big Flo & Oli : délit de sale gueule

Au début sympathique, lorsqu’il s’agissait d’ammener toute leur classe de collège pour rendre leur clash encore plus percutant, les deux frères ont fini par s’attirer les foudres du public rap. Difficile de savoir la raison qui a pu être à l’origine de ce déferlement de haine… tellement elles sont nombreuses. Big Flo & Oli sont victimes de leur public, ce sont typiquement les rappeurs qui plaisent à « ceux qui n’aime pas le rap » et qui vont justifier leur talent en disant « eux au moins ils ne ressemblent pas aux autres, ils ont des bons textes et ne disent pas d’insulte ». Mais qui ça les autres ? Malheureusement ces auditeurs ne connaissent pas le rap français et se contentent de comparer les deux frères à des clichés, généralement le seul rappeur qu’ils peuvent citer pour consolider leur argumentaire est Booba (qu’on retrouvera un peu plus loin dans cet article). Mais comment expliquer à ce public « qui n’aime pas le rap » que justement ce genre musical a des codes et que lorsque Booba nous sort un « Docteur j’ai fait une fausse couche, car la rue m’a baisé » c’est vulgaire, mais c’est lourd.

Peut-on dire que Big Flo & Oli sont juste victimes malgré eux de leur public ? N’oublions pas qu’ils leur ont donnés de la matière en enchainant tous les clichés sur le rap sur l’instrumentale de OKLM. Le tout avec un flow un peu accéléré, car c’est bien connu pour un néophyte rapper vite est synonyme de rapper bien (autant dire que pour eux techniquement Kaaris est au niveau zéro). Le top commentaire sur ce « freestyle » est parlant, un Youtuber qui « fait des vidéos sur Call Of Duty » assigne son jugement sans équivoque « Leurs Freestyle est 100x mieux que la Musique d’origine ! » (oui, on parle de mecs qui ont moins d’années d’existence que la carrière du rappeur en question). Big Flo et Oli c’est un peu des puristes prépubères de YouTube qui ont pris le micro et qui ont réussi à rassembler tous leurs semblables sous un même emblème. Et de fil en aiguille on se retrouve avec des personnes les comparant à Soprano, alors qu’ils sont à mille lieux de son vécu rapologique. Ajouté à cela leur grosse couverture médiatique, ils deviennent un peu les deux premiers de la classe qui n’oublient pas de demander au prof s’il a volontairement oublié de faire le contrôle surprise. Le pire dans tout ça, c’est que ce sont probablement des vrais amoureux de rap, mais que prendre à contre-courant leur passion est bien plus lucratif et, ça, c’est rap !

Gims : Musique de camping

Gims est un OVNI comme on en voit rarement dans la musique, le genre de personne très talentueuse capable de tout faire (des instrus, du dessin, du chant, du rap,..). Que ce soit pour « plier l’instrumentale » avec des titres comme « À 30% » et « Noir » ou pour créer des tubes comme « Sapés Comme Jamais » ou « Bella », Gims excelle. Et le talent paye, Gims c’est un succès démesuré encore jamais atteint dans le rap, quand on arrive à faire un million d’album après la crise du disque c’est que l’on a fait tomber tous les records précédents. Pourtant il est décrié par beaucoup d’amateurs de rap qui vont lui repprocher de faire de la « musique de camping » (peut-on leur donner tort après qu’il ait signé la BO de Camping 3 ?) ou de la « zumba ». Tête de turc des gardiens du temple comme Joey Starr, il est constamment la cible d’attaque de ceux lui reprochant de ne plus être un rappeur.

Mais Gims n’est pas seulement la cible des critiques de fans de rap, une partie du grand public aussi condamne sa musique. Déjà que les journalistes n’ont jamais appréciés la culture populaire, si en plus il vient de la « sous-culture » qu’est le rap on frôle la syncope. C’est avec un plaisir non dissimulé qu’ils ont relayés en masse la vidéo de la pluie de huées lors de son passage au Stade de France (la même scène avec Patrick Bruel avait entrainé des articles moins durs). Si on rajoute à cela un soupçon de mégalomanie, Gims offre la baton pour se faire battre. Mais il se réconforte sûrement en pensant au fait que ses détracteurs se sont probablement déjà déhanchés discrètement sur « Sapés comme jamais ». Et à défaut de faire la couverture des Inrocks, il ira s’amuser en Prime Time devant 2 millions de personnes avec un Cyril Hanouna déchaîné et ravi de satisfaire les ménagères de moins de 50 ans.

https://www.youtube.com/watch?v=0AF2KIHODfw

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Booba : Tout ce que la France déteste

Depuis 20 ans Booba déchaine les passions (pendant que son DJ déchaine les enfers). Arrogant, matérialiste, machiste, revendiquant la banlieue, le rappeur du 92i a tout pour déplaire. Si la phrase d’introduction de cet article est bien issue d’un morceau co-signé avec son confrère Ali, ses détracteurs ne l’ont visiblement pas entendue. Tout est clivant chez Booba, de ses paroles, à ses prises de position (y compris sa charge aussi agressive qu’étonnante contre un Omar Sy) en passant surtout par son image. Grosses voitures, filles très légèrement vêtues, armes ou drogue, tout y est pour créer un cocktail explosif (le seul qu’il n’ait jamais gouté). En 20 ans de carrière, il a réussi à s’adapter à chaque époque, rarement dans la douceur, laissant quelques fans sur le bas-côté (combien de puriste se sont repassés en boucle « Temps Morts » après être tombé sur « Validée »). Mais ce n’est pas au niveau du rap qu’il faut chercher les ennemis de Booba, la plupart des rappeurs et des auditeurs le valident, lui permettant d’être le rappeur le plus influent alors qu’il est très loin d’être le plus gros vendeur.

C’est auprès du grand public que Booba génère le plus de « hate ». Les « amateurs de rap qui n’aiment pas le rap » le cite comme un symbole de perdition, une sorte de démon dont les paroles pourraient faire vriller notre jeunesse. La caricature que peut incarner Booba sous de nombreux aspects, est de l’or pour les médias généralistes qui veulent taper sur les rappeurs. Alors, quand il éclate une bouteille en verre dans un festival ou quand il s’embrouille avec son ennemi de toujours, la presse est aux anges (à l’exception des Inrocks, qui se feront un plaisir d’organiser sa défense en invoquant « La Nouvelle Revue Française »). Booba divise, et c’est parfait pour animer un repas sur le point de s’éterniser, sans arrières pensées Booba est un peu le Dreyfus du XXIème siècle. Dans les faits, c’est surtout un formidable moyen d’exister en faisant le choix d’être clivant, mais parfaitement identifiable. À défaut de plaire à tout le monde, on s’offre un vrai soutien de ceux touchés par la virulence du personnage. C’était aussi, peut-être, la seule solution pour rester au top sans passer par la musique de camping ?

JUL : L’anomalie dans la matrice

Comment ne pas évoquer JUL dans les rappeurs les plus detestés du Game ? Si, pour beaucoup, Booba a fait l’erreur d’amener l’auto-tune dans le rap français, JUL l’a utilisé à l’extrême. Sa musique, jugée trop facile, a beaucoup choqué dans le rap. Des instrumentales réalisées à un doigt au chantonnement sponsorisé par ProTools, tout est sujet à moqueries pour les amateurs de rap boom-bap. Pourtant, lorsque l’on fait écouter ses hits à des étrangers, ces dernier adhèrent totalement. Même si les « haters » de JUL se gargarisent en retennant uniquement le fait que ces touristes ne le qualifient pas de rappeur. Si JUL est consupés par les français et validé par des étrangers qui n’ont jamais entendus parler de lui, n’est-ce pas juste une question d’image ? Pour un auditeur de rap il s’agit de dépasser tout ce qui est caricatural et gratter le gras pour atteindre le muscle. Et le rap de JUL est musclé quand il s’agit de freestyler pendant 30 minutes sur Skyrock.

https://www.youtube.com/watch?v=dZ6BXavdJKs

Mais tant qu’il se contentera de faire 30 millions de vues avec deux mots (« Wesh » et « Alors »), qu’il conservera sa dégaine claquette-survet’, continuera de tester toutes les options de ProTools et s’inspira de la variet’ il continuera à être l’objet de railleries. Des Youtubers s’amuseront encore à faire des vidéos à plusieurs millions de vues où ils s’amusent, avec un air condescendant, du rappeur marseillais. Parallèlement à cela il continuera aussi à enchainer les disques d’or et de platine. Les haineux en Y.

J’gagne 30 fois le salaire à ton père, Et tu m’insultes dans les commentaires

Chacun de ces rappeurs compte des « haters » par milliers, mais chacun de ces rappeurs jouit d’une exposition et d’un succès exceptionnel. La triste rançon du succès n’est-elle pas de s’attirer la haine des uns en contrepartie de l’amour des autres. Ils pourront se consoler en enchainant les punchlines sur les haineux, et comme dirait Alonzo : « J’gagne 30 fois le salaire à ton père / Et tu m’insultes dans les commentaires ».

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