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Booska-Classic n°7, Les jeunes de l’univers

Booska-Classic n°7, Les jeunes de l’univers

1997, alors que le rap français est en pleine apothéose et que les disques d’or pullulent de Sarcelles au Vieux-Port, un jeune colombien de 22 berges surnommé Rocca envoie ces lyrics sur les ondes FM: « Pour tous les jeunes de l’univers, ce message universel : je représente, nous représentons… ».
A l’époque, son collectif La Cliqua composé de Daddy Lord C, Egosyst, Khondo, Lumumba, Chimiste, Dj Jelahee et Raphael était signé sur le label indépendant Arsenal Records.
Alors que son équipe avait déjà sorti deux opus dont le mythique « Conçu pour durer », Rocca, se sentant sûrement confiné dans des 16 mesures qui ne lui permettaient pas de s’exprimer amplement, va se lancer en solo. De cette escapade, le mc va nous pondre un album faisant incontestablement parti des classiques du rap français, j’ai nommé « Entre deux mondes ».

Entre la Colombie et les cités HLM

« Entre deux mondes » c’est l’album d’un fils d’immigrés colombiens venus en France chercher l’eldorado. C’est le fruit d’une double-culture. La première c’est la culture latine, inculquée par des parents musiciens et rythmées par les percussions, les ambiances salsa et la langue espagnole.
Acquises dans la rue, la seconde culture qui nourrit l’album, c’est celle des cités, elle intègre le Hip Hop, les potes, les moments de joies mais aussi ce bon lot de galères, offert à chaque jeune des cités comme une sorte de bagage obligatoire pour l’apprentissage de la vie.
La jaquette de l’album « Entre deux mondes » est on ne peut plus explicite. Elle montre avec éloquence que Rocca est ancrée entre deux univers. La tête entre les traditions sud-américaines et les rues de Paris. L’essence de la musique de Rocca, c’est vraiment ce choc des cultures, ce mix franco-hispanique qui suivra le mc tout le long de sa carrière.
D’ailleurs, c’est probablement un des seuls rappeurs à pouvoir balancer des textes gorgés de sens en français et garder la même qualité textuelle, la même force de persuasion et surtout la même aisance lorsqu’il débite en espagnol.
Ce qui intensifie la plume de Rocca, c’est cette faculté à pouvoir s’exprimer sur la réalité française mais aussi celle de son vécu en tant que jeune latino. Et lorsque le mc offre au rap français un morceau fédérateur, rassemblant toutes les races, tous les rêves et tous les maux d’une génération, ça donne « Les jeunes de l’univers ».

Les jeunes de l’univers.
« Ma génération s’élève comme un drapeau », toute la symbolique du morceau réside dans cette phrase. Une jeunesse, un combat (la réussite), une nation (le monde)…donc un message universel : « Je représente, nous représentons ».
Comme une équipe de football peut représenter un drapeau malgré les différences d’origines ou de cultures, Rocca souhaite que ses pairs s’unissent pour représenter une jeunesse battante au futur prospère…
L’instrumental est samplé du titre « Je veux chanter pour ceux » de Michel Berger et le message que Rocca véhicule dans « Les jeunes de l’univers » est certainement aussi fort.
Certes les clichés grouillent à chaque mesure du titre: chômage, échec scolaire, trahison, barrières sociales, ignorance, conflits raciaux, exclusions et certes la solution de Rocca à tous ces maux, peut vite être assimilé à un message utopique.
Mais au fond, le mc parle de la réalité. Il parle de ce que vit sa génération au quotidien. Les souffrances de ses semblables, leurs maux et bien sur le système qui ne leur permet pas toujours d’avancer comme ils voudraient.
Si à deux couplets différents, le texte de Rocca commence par « Depuis mon plus jeune âge… » ce n’est pas anodin, « Les jeunes de l’univers » c’est le projet pharaonique d’un grand enfant qui aspire à un monde meilleur.
Comment motiver quelqu’un qui n’a plus de confiance et qui se sent perdu ou oppressé? En lui redonnant de l’espoir et « Les jeunes de l’univers » est tout simplement un texte plein d’espoir, d’ailleurs Rocca le résume bien dans ces phrases « Je sème de l’espoir pour tous ceux que j’aime » et « Espérance est vitale comme l’oxygène qu’on respire ».

Entre espoir et fatalité.
A y regarder de plus près, ce morceau est intergénérationnel car le contenu du texte de Rocca, qui date de 97 est toujours aussi intense, toujours aussi significatif plus de 10 ans après.
Les maux sont les mêmes, la génération actuelle a d’ailleurs surement besoin d’encore plus de messages d’espoir que celle qui la précède. Quand un titre peut traverser le temps et garder autant d’impact sans prendre une ride alors on parle de classique.
Pousser les jeunes à se dépasser, à réaliser leurs rêves, combattre la violence, l’échec et l’abandon, c’est l’envie de Rocca qui malgré tout, sait que même avec toutes les volontés du monde, rien ne changera. Il conclut justement son texte avec une touche de fatalité, remettant le sort de sa génération à Dieu.
« Les jeunes de l’univers », c’est un peu le combat d’un homme comme Luther King, qui rêve d’un monde en total harmonie et pourtant des années plus tard, la terre a tournée, d’autres ont pris le relais mais finalement rien n’a vraiment changé.
Au-delà de la dimension sonore, il y a la dimension visuelle du morceau et le clip réalisé par Armen illustre bien l’idée qu’avait Rocca en écrivant ce titre. On y voit les panneaux des villes rassemblant les cités les plus chaudes d’Ile de France et des visages venant de tous les horizons. L’image est profonde et montre la véritable envie de réunir de l’artiste.

En « semant de l’espoir pour tous ceux qu’il aime » Rocca offre le sentiment de se sentir vivant à l’auditeur, ne serait-ce que le temps de sa chanson.
« Les jeunes de l’univers » ou le rêve ingénu, d’un jeune latino des cités HLM souhaitant voir changer un monde qui tourne fatalement en rond…

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