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Azuul Smith, entre spleen et idéal [PORTRAIT]

Azuul Smith, entre spleen et idéal [PORTRAIT]

Sa mixtape « L’argent suffira » débarquera bientôt dans les bacs, c’était donc l’occasion pour Booska-P d’aller à la rencontre de ce rappeur au style tranché.

Crédits photo : Antoine Ott

Une belle gueule, un autotune sous stéroïdes et des clips qui en mettent plein les yeux. Voici la rapide description qu’on pourrait faire d’Azuul Smith. Pourtant, le rappeur venu de Saint-Cyr a beaucoup plus à nous offrir. Pour le vérifier, nous avons donné rendez-vous à cet homme qu’on avait placé dans notre liste des jeunes artistes à suivre en 2017. Au menu de notre rencontre ? Ses racines tunisiennes, sa passion pour la sape et sa recherche constante de nouveauté à proposer à son public.

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Ses débuts en classe

Le parcours d’Azuul n’est pas celui d’un rappeur dit lambda. Plus jeune, ce dernier a gratté ses premiers textes sans même penser à rentrer en studio. C’était à l’époque du collège, après les contrôles et autres interrogations suprises. En cinquième, l’élève Smith dégainait sa copie double pour poser ses phases : « j’ai commencé à écrire mes textes très tôt, dès la cinquième. En cours de français, je finissais mes dissertations et ensuite j’écrivais un texte sur une autre feuille double. Fallait que ça rime, fallait jouer avec les vers, je comptais déjà mes syllabes« . Le rap comme un jeu instinctif, voilà ce qui fait la différence chez quelqu’un qui n’aura jamais cherché à suivre la tendance.

j’étais matrixé par Gomorra, mais on a évité de le faire le clip de « Mano à Mano » à Naples car c’est désormais vu et revu

Pour parfaire son style, il s’imprègne de sa vie de tous les jours, mais pas seulement. Jeune, il fait l’éponge. De quoi débarquer avec une certaine facilité face à sa feuille. Il ne lui manquait donc que des productions et des séances en studio pour parfaire son délire: « je regardais beaucoup de documentaires, je m’instruisais beaucoup… Et quand t’as taffé comme un fou sur tes textes, dès que t’as une instru ça y est tu pars, t’es inspiré« .

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Le studio, une rampe de lancement qui arrive « assez tard » pour lui, vers « 16 ans, un âge où certains balancent déjà leurs clips sur le net« . Qu’importe, car la base de l’artiste est déjà là. Son travail sur les textes fait le reste, son délire s’affine et lui est enfin prêt à délivrer du lourd. Quelques années après ses premiers pas face à un micro, Azuul Smith ne s’embête pas avec les convenances et lâche le clip qui fait le lancer véritablement sur la toile. Un « Mano à Mano » au style de mafiosi, dans lequel sa gestion de l’autotune et son style impressionnent. Ici pas de Scampia à l’horizon, mais bien les jolis paysages de la Sicile… Un choix qui est loin d’être anodin : « j’étais matrixé par Gomorra, mais on a évité de le faire à Naples car c’est désormais vu et revu. Les belles façades et le sable rose contrebalançaient avec des paroles assez street« .

L’importance du style

Comme il nous le confie, « l’image est une chose très importante aujourd’hui ». Azuul Smtih n’y va pas de main morte quand il s’agit de préparer ses visuels. Travaillant avec son ami et réalisateur Mamby Film Maker, ce dernier vise l’inédit, la petite touche d’originalité qui fera la différence. Un credo qui ne le quitte pas, et qui fait de lui un artiste « différent » dans le game actuel. Côté clip, donc, le bonhomme charbonne :  » Je passe un temps de fou à écrire des synopsis. Quand un internaute voit quatre minutes, c’est des heures de travail derrière« .

Sans recherche du style, tu peux décevoir des gens aussi, lâcher ton public. Mais je ne le force pas, je suis comme ça dans la vie aussi

Son amitié avec Mamby, « un truc fusionnel », fait aussi partie du jeu. Celui qui est également chargé des clips de la MMZ, n’hésite pas à partager son avis : « Mamby peut me dire si tel ou tel truc est nul, il n’y a pas de sentiments. On essaye de faire la meilleure chose possible. Il sait ce que j’aime, ce que je veux, etc. Même si ça ne paraît pas professionnel de travailler avec un ami, on sait faire la part des choses« . Le duo n’aura donc pas fait semblant, partageant notamment le sublime visuel de « Mama« , tourné à l’étranger, en Tunisie. Une chose « impérative » pour un Azuul Smith qui vous filme « d’où il vient ». Un clip dans lequel il a fait la part belle au style : « On a essayé de jouer au maximum avec les couleurs du décor, l’aspect vestimentaire, c’est primordial pour moi« .

Avoir ses propres codes vestimentaires, faire avec une mode à soi, voilà une autre des particularités du rappeur venu de Saint-Cyr. Cheveux longs, postures travaillées, image soignée, voilà le triptyque stylistique de notre interviewé : « mes clips, mes paroles, mes vêtements, c’est moi, pas quelqu’un d’autre, je ne mens pas. Donc si tu viens me voir dans ma ville, je ne serais pas habillé n’importe comment (rires) ! J’aime quand c’est soigné, même en survêtement, il faut que ce soit propre« . Conscient des moeurs de son époque, il conclut avec une phrase bien à lui : « Sans recherche du style, tu peux décevoir des gens aussi, lâcher ton public. Mais je ne le force pas, je suis comme ça dans la vie aussi« .

La recherche de l’inédit

Avec Azuul Smith, les habitudes du genre sont indéniablement bousculées. Grâce à ses clips travaillés, son image soignée, ses paroles qui sentent le vécu et son utilisation très personnelle de l’autotune, le rappeur s’est forgé une identité propre en peu de temps. Original, mais les pieds bien ancrés au sol, il cherche avant tout à proposer du neuf : « il faut marquer sa différence tout en restant soi-même. Je ne vais pas copier un tel ou tel car c’est à la mode« . Le rap comme une toile vierge, un terrain à défricher, comme il le confie : « je cherche à apporter une touche d’inédit dans ma musique. Le côté agressif quand je me sers de l’autotune, ça vient de là. C’est comme appeler un morceau Mama et pas parler de sa mère dans les couplets, je ne l’avais pas vu avant« .

tu peux pas savoir à quel point je m’en bats les couilles d’être validé. Je fais ma musique et si on me valide un jour tant mieux, mais ce n’est pas ce que je recherche

Fidèle à ses refrains bien amenés, le rappeur reste pro. Chez lui pas de fausse note, même s’il n’a jamais pris de cours de chant : « si t’as pas la première syllabe de bonne, tout le reste sera faux. Moi je fais tout jusqu’à ce que ça soit bon. Au final, ça se travaille, il faut être perfectionniste sinon tu n’avances pas« . Celui qui « n’invente rien » et qui écrit seulement ce qu’il vit, sait donc se faire mal pour arriver au bon résultat. Les longues nuits en studio ne lui font pas peur, il assure ainsi pouvoir passer « 28 heures sur un morceau« , pour qu’il soit unique. Cependant, loin de lui l’idée de suivre le rythme d’un game devenu épileptique : « je pourrais relever le défi et sortir des sons tous les jours, mais c’est important de ne pas aller trop vite non plus pour l’instant« .

Clamer d’où il vient n’est pas non plus une priorité pour Azuul qui préfère profiter de « la richesse de la langue de Molière » plutôt que de « citer le nom de (sa) ville toutes les 5 secondes« . Chercher à être poussé par d’autres membres du game n’est pas non plus une priorité, normal pour un artiste qui sait ce qu’il veut : « tu peux pas savoir à quel point je m’en bats les couilles d’être validé. Je fais ma musique, et si on me valide un jour tant mieux, mais ce n’est pas ce que je recherche« .

« Les pieds en France, mais la tête aux States« , l’artiste livrera bientôt sa mixtape « L’argent suffira » (17 novembre). Une manière de montrer que comme beaucoup d’artistes américains, il arrive à proposer au public un style original, pas forcément rattaché à une quelconque tendance. Le jeune homme d’origine tunisienne abonde : « aux USA, ils foncent. Ici on va peut-être attendre qu’un truc marche avant de s’engouffrer dedans ». C’est donc dans sa propre matrice qu’il débarquera, car comme Azuul Smith le dit si bien : »il y a aujourd’hui des rappeurs à tous les coins de rue, du coup il faut arriver avec un truc en plus et bien sûr, peaufiner son travail« . Message reçu !

L’argent suffira, disponible le 17 novembre

https://www.youtube.com/watch?v=dJjhNrY7onE

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