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ABD : « A Rennes, on a appris à rapper sur le tas » [INTERVIEW]

ABD : « A Rennes, on a appris à rapper sur le tas » [INTERVIEW]

Le 28 juin, le jeune rappeur sortira son projet « Mr Sall ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Dans un Hexagone de plus en plus prompt à proposer du neuf, les grandes villes de France ont désormais leur mot à dire face aux mégapoles du rap que sont Paris et Marseille. La preuve aujourd’hui avec une ville de Rennes plus que jamais représentée par ABD. Si la prefecture de la Bretagne pouvait déjà compter sur Columbine, avec ABD, c’est un rap plus brutal, plus street qui se présente à nos oreilles. Tout un univers à découvrir le vendredi 28 juin, avec la sortie de son projet Mr Sall. Son premier opus, une carte de visite qui propose une écriture soignée et des punchlines toujours imagées. Rendez-vous avec le bonhomme dans nos locaux, quelques jours après la victoire du Stade Rennais en Coupe de France…

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La première chose qui marque chez toi, c’est le soin apporté à l’écriture.

J’ai commencé la musique lorsque j’étais petit. J’en faisais car j’aimais ça, pas pour autre chose. Du coup, il fallait que ce soit bien tout le temps, il fallait que je me prenne la tête. J’ai commencé le rap grâce aux mots, aux phrases de certains rappeurs. Quand j’écris, je fais en sorte d’avoir un vrai sens à trouver dans toutes mes phrases. Il faut que tout ait du sens. A force d’écrire et encore d’écrire, j’ai pris de l’expérience… Aujourd’hui, peut-être que j’écris mieux.

Certains affirment que Paris est plus focus sur l’image que sur l’écriture et qu’en province, ce serait le contraire.

Peut-être que ça vient du fait que je ne suis pas de Paris. Je parlais de ça avec Tommy on the track. Il me disait que souvent, dans nos régions, les rappeurs écrivaient plutôt bien. Vu qu’on vient de loin, on se dit qu’on doit faire le double. Disons qu’on doit sûrement travailler plus. L’image pour Paris et le texte pour la province ? Il y a sûrement de ça aussi, Paris c’est la capitale du style. Nous à Rennes, on va s’habiller plus simplement, mais on va miser sur l’écriture. Puis avec les mots, tu peux faire passer tellement de choses…

Vu qu’on vient de loin, on se dit qu’on doit faire le double

Alors qu’on t’a découvert sur du rap brut, tu as varié les styles différents sur « Mr Sall ».

C’est un choix qui vient de moi. T’as des personnes qui vont te dire « Ahh non, ça c’est de la zumba, ce morceau-là sonne trop love, etc ». Moi, je m’en fous, j’aime la musique au sens large. J’apprécie les morceaux avec une certaine musicalité, je ne me dis pas que je dois faire que des sons sales. J’ai eu ma période, mais quand je les écrivais, je trouvais qu’il manquait un truc. C’était trop forcé. Après, je me suis détendu et j’ai fait ce que j’ai voulu, des sons sales jusqu’à des sons plus ambiançants. J’ai essayé d’être polyvalent.

Venir de Rennes, on sent que ça compte pour toi.

Il n’y a pas énormément de rappeurs qui viennent d’ailleurs que les pôles que sont Marseille et Paris. Même quelqu’un comme Niro est par exemple affilié à Paris par beaucoup d’auditeurs, alors qu’il vient de Blois. Je ne pensais pas du tout à tout ce qui allait suivre… J’ai fait mon premier clip avec le maillot du Stade (rennais ndlr), et voilà. Je voulais représenter ma ville plutôt bien, très simplement. On voulait des images de notre quartier, comme ce qui peut se faire à Paris. Même les vues au drone, il n’y avait jamais eu ça chez nous. Evidemment, les potes m’ont poussé à continuer de clipper, etc. A la base, le son, c’est juste une passion. Mettre encore un peu plus la ville sur la carte du rap game ce serait quelque chose de fou.

Avec quoi tu as justement découvert le rap ?

J’ai découvert la musique très tardivement. Par exemple, moi, je n’ai pas eu d’ordinateur pendant longtemps. Je connaissais Pour ceux de la Mafia K’1fry quand j’étais petit, mais je n’avais pas le CD chez moi. J’ai deux grandes soeurs, mais pas de grands frères, du coup, je n’ai pas forcément baigné dans le rap. A la maison, ça passait beaucoup de zouk ou de musiques africaines. J’ai commencé à vraiment kiffer la musique avec l’appartition des clefs MP3, c’était la belle époque, c’était magique. Quand t’avais plus de piles, c’était une vraie galères (rires) ! J’avais passé mon baladeur à un pote qui m’avait fourni plein de sons. Sinon, mon père avait également acheté un album de Disiz La Peste, qui reste un rappeur très fort sur le texte. Mon premier concert m’a également marqué. Sefyu est venu à Rennes et j’étais tout simplement choqué de le voir… Je n’avais jamais vu ça, le mec a tout niqué sur scène. Le lendemain, avec un pote, je suis directement allé à la FNAC. Sefyu, de base, tu peux penser que ses textes sont juste violents, mais quand tu approfondis, c’est bien plus que ça. On peut ensuite parler de Booba ou de Rohff, bien sûr…

Lorsque j’ai reçu le mail du Stade Rennais, j’ai d’abord cru à une blague !

Comment tu t’y es mis ?

En troisième, on a eu des ordinateurs portables. Tous avaient le logiciel Audacity. Du coup, j’avais repris l’instru du morceau de Booba Boulbi et je m’étais enregistré après avoir changé quelques phrases. J’avais fait ça avec mon petit frère et je l’avais envoyé à un pote, pour délirer… Qu’est-ce que ça nous avait fait marrer. De là, j’ai continué à faire des trucs dans le genre, à écrire et à utiliser mon PC. Poser ma voix en rythme, m’écouter sur des instrus… j’ai kiffé et je ne me suis jamais arrêté. Faire les choses avec naturel, c’est ce qui change la donne. Même toi, plus tu vas être naturel, mieux tu vas te sentir dans ta peau.

Est-ce qu’à Rennes, c’est plus dur de fédérer autour de soi ? On sent dans certains morceaux que tu es touché par les critiques.

Le rap, j’ai fait ça avec une bonne intention, vraiment. Après, tu ne peux pas tout contrôler, car les gens ne te connaissent pas. Et même toi, tu ne peux pas connaître tout le monde. C’est une galère, car à Rennes, on n’a pas d’exemple comme ça, d’un mec qui perce dans le rap grâce à des grands de son quartier. A Paris, ça arrive plus souvent. Ici, à Rennes, on n’a rien de tout ça, on est quasiment obligé d’apprendre sur le tas. Mais bon, cela va changer.

Tu as tout de même présenté le nouveau maillot du Stade Rennais !

C’est une belle année pour nous, avec le parcours en Coupe d’Europe, mais aussi la Coupe de France gagnée contre le Paris Saint-Germain… Lorsque j’ai reçu le mail du club, j’ai d’abord cru à une blague (rires) ! J’ai eu besoin d’une confirmation pour y croire vraiment. Je leur ai proposé un inédit. Tout est allé très vite, le lendemain j’étais au studio, et le surlendemain, on a tourné le spot pub. Pour ceux qui aiment le foot et le rap, c’est une expérience top. Je sais que pour certains ce n’est que Rennes, mais pour moi, ça veut dire beaucoup, c’est ma ville ! C’est comme le PSG pour un Parisien… C’est bien que le foot s’ouvre aux musiques urbaines, car chez nous, on aime ça ! Aujourd’hui, c’est cool que les liens qui unissent les footballeurs aux rappeurs se retrouvent exposés, car on a grandi dans les mêmes endroits.

Alors que « Mr Sall » sort ce vendredi, comment tu envisages la suite ?

Je me dis juste qu’il faut que je continue à faire de la musique. Je dois composer tout le temps, ne jamais m’arrêter. Je ne me pose même pas de questions sur de possibles projets, mon but c’est simplement de continuer à faire ce que j’aime. De temps en temps, je m’accorde des petites pauses pour ne pas me répéter… Mais je ne m’arrête jamais d’enregistrer (rires) !

ABD sera à retrouver sur scène le 11 juillet au 1999 (Paris).

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