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Les Chevaliers du Zodiaque est-il le meilleur dessin animé du monde ?

Les Chevaliers du Zodiaque est-il le meilleur dessin animé du monde ?

Car oui malgré ce titre aguicheur, la bande à Seiya possède de sacrés arguments à faire valoir…

Déjà à l’époque mais encore plus avec le recul, les dimanches matins et les mercredis après-midis des années 80 étaient de bien drôles de journées pour les enfants.

Posés par leurs parents devant le Club Dorothée, ce sont les yeux grands ouverts qu’ils s’enfilaient les animés made in Japan achetés au quintal par une première chaîne les yeux (déjà) rivés sur le compteur d’audience.

Oubliez les sympathiques Goldorak, Capitaine Flam ou Albator de la génération précédente, les nouveaux héros qui débarquent d’un coup d’un seul dans les salons s’appellent Cobra, Ken le Survivant, Nicky Larson ou encore San Goku.

Des patronymes aujourd’hui rentrés dans la légende, mais qui à l’époque ont bien failli disparaître illico des écrans sous les assauts répétés de la censure. Trente et quelques années plus tard, il faut avouer que le procès qui leur était intenté (proposer un cocktail de sexe et violence à un jeune public) n’était à la revoyure pas si injustifié que ça.

De Tortue Géniale le papy pédophile, aux défilés impromptus de pin-ups toutes plus voluptueuses les unes que les autres dans Cobra, en passant par le sadisme patenté d’un Kenshiro (qui tapi dans l’ombre attendait sempiternellement la fin d’un massacre pour intervenir) ou les délires érotomanes de Nicky Larson, il y avait largement de quoi se demander où avaient été dégotés les diplômes des fameux psys à qui Dorothée et son crew avaient demandé « d’évaluer » ces dessins animés avant de les diffuser.

Et c’est dans ce contexte que débarque en 1988 Saint Seiya, un shônen (une œuvre destinée aux adolescents mâles) tout aussi violent créé deux ans plus tôt par Masami Kurumada et produit par la Toei Animation.

https://www.youtube.com/watch?v=ofwE8oaS5QY

Pegasus Ryu Seiken !

Très improprement rebaptisée Les chevaliers du Zodiaque, l’œuvre composée de 28 volumes papier narre les aventures de cinq jeunes garçons orphelins (l’alpha bêta Seiya, le mystérieux et tatoué Shiryû, le bellâtre Hyôga, le fragile et rose bonbon Shun, son solitaire de frangin Ikki) envoyés dans différents camps d’entraînement de par le monde afin de devenir des Chevaliers (Saints) et décrocher l’armure (Myth cloth) qui va avec.

Toutes placées sous le signe d’une constellation céleste, lesdites armures permettent dixit la série « d’entrouvrir le sol et de déchirer le ciel ». Un atout non négligeable pour mener à bien la mission qui leur est confiée : protéger la Terre des Forces du Mal et assurer la protection de la réincarnation de la déesse Athéna (la plus difficile des deux tâches n’étant pas celle que l’on croit).

Le scénario s’articule autour d’un prologue et de quatre grands arcs qui voient nos « Athena no sainto » (comme avec le gangsta rap, la VO ça en jette tout de suite plus) s’en aller claquer le beignet de plus forts qu’eux.

Oui parce que VDM oblige, nos valeureux héros n’ont hérité que de modestes armures de bronze quand TOUS leurs ennemis sont certifiés d’or et d’argent, voir quand ils ne sont carrément pas des divinités en plein exercice de leur fonction.

Cela donne donc dans l’ordre : un tournoi d’échauffement, une révolte contre le Sanctuaire, un petit tour dans le royaume d’Asgard (victime du syndrome Game of Thrones avant l’heure, l’animé progresse plus vite que le manga à tel point que les scénaristes se retrouvent dans l’obligation de créer de toutes pièces des péripéties inédites), un affrontement sous les mers face à Poséidon, et enfin un chapitre final contre Hadès, le dieu de la mort – qui aussi paradoxal que cela puisse paraître finit par casser sa pipe.

[Pour la clarté des débats, laissons de côté la flopée de spin-offs à la Saintia Sho, Soul of Gold, Next Dimension, Oméga et autres Lost Canvas, tout comme la demi-douzaine de longs métrages réalisés.]

Si le script n’est pas en soi d’une originalité folle, que ce soit par ses thématiques ou sa mise en scène, Saint Seiya se révèle extrêmement propice pour déchaîner à un degré 1 l’imaginaire de tout pré-ado un tant soit peu testostéroné.

Parce que oui, Saint Seiya ce n’est pas qu’une histoire de bourrins qui se mettent sur la gueule à longueur d’épisodes (prends ça Dragon Ball). Saint Seiya c’est de l’émotion, de la fougue, de la passion, de l’honneur, de la mélancolie, de la tragédie.

Saint Seiya c’est la vie.

Le goût du beau

D’emblée Saint Seiya se distingue de la concurrence par son sens unique de l’esthétisme.

En conciliant astronomie et mythologique grecque, la série inscrit chaque personnage dans une lignée, dans une tradition. Dialogues et combats ne se limitent ainsi jamais vraiment à ce qu’ils sont ou semblent être.

Le lien entre la fiction et le merveilleux se fait permanent, élargissant le cadre de la série bien au-delà de son propos initial. Un mash-up qui ne manque pas de génie donc – ni d’un certain opportunisme, mais bon après tout où est le mal ?

Un cachet accentué plus encore par des décors tout en démesure et en grandiloquence. Passé le prologue ancré dans le réel, l’action se déroule ensuite dans un monde fantasmagorique seul peuplé des dieux et de ceux qui les servent. Un monde étrangement désert, surplombé par une architecture olympienne (acropole, colonnes, voûtes, statues…).

Dans ce cadre, les combats prennent une dimension quasi onirique. Outre les échanges de techniques d’attaques mis en scènes comme des tableaux de maître (chorégraphie et signes zodiacales en toile de fond inclus), les armures apportent évidemment une forte valeur ajoutée au spectacle.

[Qui n’a pas rêvé un jour d’en revêtir une vraie, ne serait-ce que pour frimer à la récré ou mettre une raclée à tous les Iron Man et Transformers de la planète ?]

Portées par des chevaliers tous plus androgynes les uns que les autres (quitte à flirter allégrement avec le crypto gay), elles constituent des personnages à part entière – mention spéciale ici à la majesté des douze Golden Saints, dont chaque première apparition était alors scrutée à la loupe.

[Et histoire de clore le débat une fois pour toute, Shaka best chevalier doré ever.]

Le service merchandising ne s’y est évidemment pas tromper, abreuvant depuis plus de 30 ans le marché du jouet de ces fameuses figurines, histoire de faire les poches des téléspectateurs ET de leurs parents.

Autre 10/10 : la bande originale orchestrale à souhait composée d’une main de maître par Seiji Yokoyama, le Ennio Morricone de la japanimation (qui nous a quittés au mois de juillet dernier, paix à son âme). Non contente de coller parfaitement à l’univers, elle vient sublimer les enjeux du scénario, et notamment tous ces nombreux combats qui s’achèvent par une victoire au goût amer.

Écoutez entre autre (mais pas que) la musique qui rythme l’affrontement fatal entre Hyoga et son maître Camus, ou le requiem de Mime :

Bienvenue dans le méta dessin animé

Bien que classé dans la catégorie sentai (les séries télévisées japonaises pour enfants), Saint Seiya est profondément marqué par le sceau du tragique.

Tiraillés par l’honneur et la raison, entre le rapport au pouvoir et à la foi (rappelons que l’on parle ici de guerriers qui dédient leur vie à des dieux), les protagonistes des deux camps voient leurs engagements sans cesse remis en question.

C’est Seiya dont la dévotion sans égal pour Athéna se transforme au fil du temps en dévouement pour Saori Kido. C’est Shun qui en dépit de son aversion pour la violence doit se battre malgré lui. Ce sont les Chevaliers d’Or comme Shura ou Aiolia que la loyauté aveugle. Ce sont Masque de Mort ou Albérich de Megrez pour qui l’ordre et la justice découlent de la force, et non l’inverse. Ce sont Poséidon ou Hadès qui à leur façon souhaitent construire un monde meilleur. C’est Athéna qui pour protéger la paix mène des guerres sans fin. Ce sont enfin globalement le sort de toutes celles et ceux ayant un jour prêté allégeance qui se retrouvent pris dans un engrenage qui les emporte et les dépasse.

S’il devait y avoir un thème principal à la série (ou si cette dernière devait se résumer à une épreuve de philo), il s’agirait du sens du devoir et ses implications.

Avec un manichéisme réduit à la portion congrue (les véritables méchants se comptent sur les doigts de la main), une place plus grande est laissée à l’épaisseur psychologique… mais aussi à une théâtralité très (très) premier degré qui par bien des aspects consacre Saint Seiya comme le « shônen sacrificiel par excellence ».

Ode au dépassement de soi, abnégation, entraide, serments solennels… ce ne sont pas les pics de lyrisme qui manquent.

Le charme de la nostalgie

Car oui, mille fois oui, malgré l’immense partialité de cet article, force est de constater qu’imperfections et défauts pullulent.

Trop grande linéarité des combats, incohérences, fillers à gogo (genre la maison du Sagittaire, ou pire : ces foutus chevaliers d’Acier encore plus exaspérants que Krilin et Nono le robot réunis), graphismes parfois médiocres, changements intempestifs de comédien de doublage dans la VF (si les doubleurs ont fait un travail remarquable, tout ce qui entoure leur prestation est malheureusement bâclé).

Plus fâcheux, faute d’audience le dessin animé a dû s’arrêter en 1989, ce qui n’a pas été sans conséquence sur l’écriture du manga bouclé alors à la va-vite (l’histoire autour de la sœur de Seiya est bâclée, le combat contre Hadès n’est pas plus long qu’un autre, on ignore ce qu’il advient de la team Bronze…), sans que jamais n’ait lieu l’affrontement avec Zeus.

Tel Ikki qui renaît de ses cendres, la production redémarre néanmoins en 2002. Sans pour autant régler tous les problèmes évoqués, elle offre aux fans de nouveaux dessins et une superbe animation (dans sa première partie tout du moins).

Reste qu’au final, un peu comme avec la première trilogie Star Wars, ce petit goût d’inachevé accentue l’effet d’émerveillement que provoque Saint Seiya et contribue à donner à la série un charme qui se patine avec le temps.

Ou quand une œuvre en tant que telle et la mémoire de cette même œuvre en viennent presque à former deux entités différentes.

Terminons enfin en passant un gros coup de cœur à l’hilarante web-série CDZA (pour Les chevaliers du Zodiaque la série Abrégée) créée par le français SlateAlchemist.

Fan au dernier degré, il propose une relecture en accéléré de l’arc du Sanctuaire où sont exploités avec malice et finesse, mais toujours avec bienveillance, les carences du scenario.

À déguster sans modération pour tous les connaisseurs, et ce d’autant plus que les épisodes ne cessent de monter en gamme.

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